lundi 28 février 2011

Ceci dit en passant.



Avant de venir ici, en partant de là bas, je devais « me préparer ».

Être prête aux chocs culturels, à la nourriture, au(x) langage(s), aux croyances, à la pauvreté. Je pensais que je vivrai mal cette dernière chose : la pauvreté, la mendicité, la misère. Mais attention ces mots ne sont pas synonymes. Ils ont chacun leur définition. Certes la pauvreté est présente au quotidien : tous les petits métiers dans la rue, je pense notamment à des familles de bâtisseurs de maisons dans mon quartier (ils construisent une maisonnette en briques rouges accueillant juste la place pour dormir, faisant leur vie quotidienne devant celle-ci et à côté de la villa qu’ils bâtissent et qui bien évidemment ne leur est pas destinée) les enfants qui travaillent après l’école (ou à la place de l’école) mais ce n’est pas la même pauvreté qu’en France. Quand tu n’as rien tu peux toujours tenter de monter ta petite affaire de vendeur ambulant de babioles, de choppes, de livraison de tes légumes à domicile. Merci au libéralisme et à la débrouillardise. La mendicité. Là est le problème sûrement, pas celui des personnes en elles mêmes qui font cela mais de ma réaction. Froide, quasi hautaine, j’avais oublié ce que signifie quelqu’un qui te demande à manger avec son enfant dans les bras alors que dans les tiens ce sont tes sacs de courses. 

Je ne m’attendais pas à ce que ça ne me touche pas en fait… Je m’étais tellement bien préparée que j’avais perdu un peu d’humanité et monté un mur de protection. Alors certes je me donnais bonne conscience en me disant que je donne à une association caritative et que quand je fais marcher des petits travailleurs du quotidien je n’hésite pas à leur donner un peu plus ou à me laisser avoir sur le prix. Bonne conscience. Mais ais-je seulement conscience de ce que c’est de ne pas pouvoir boire, manger et dormir ? Alors oui peut-être que je viens de me réveiller. Mais cela n’empêche que je me sens aussi mal à donner quelques roupies qu’à dire non aux mendiants qui m’attrapent le bras et me suivent dans la rue en psalmodiant leurs complaintes. Oui rien n’est simple, peut-être avoir conscience est déjà un début.

Je dois avouer que la misère je ne l’ai pas vraiment vu, où je ne veux pas me résoudre à l’appeler comme ça, car il y a toujours de la vie là où on pourrait appeler ça de la misère.

Dans le fond la mendicité indienne me touche autant que celle en France. Il faut savoir balayer devant sa porte avant de porter de bons jugements ailleurs. Et avec la situation des Roms en France je ne trouve pas que nous soyons bien plus reluisants. Même là je me contredis à comparer mendicité française et indienne, c’est bien loin d’être la même. Mais c’est dans le geste d’une personne qui demande publiquement de l’aide que je trouve la ressemblance.

En écrivant ce texte je me rends compte que cette réaction arrive aussi au moment où je suis vraiment dans un quotidien d’indienne de classe haute, privilégiée, en zone protégée. Et j’ai beau être dans ce pays, on peut facilement se laisser enfermer dans une cage dorée et oublier, ou ne plus voir toute la réalité du monde qui t’entoure. 
Comme cela peut aussi arriver dans son pays d’origine.

8 commentaires:

  1. Réflexion très intéressante, agrémentée de bons exemples...
    Bien écrit en plus.
    En avoir conscience est déjà une victoire en soi. Mais attention à ne pas culpabiliser excessivement non plus. A méditer en tout cas...

    RépondreSupprimer
  2. Merci de pas avoir de réponse toute faite ! Et pour les compliments aussi : je prends ! Bisous

    RépondreSupprimer
  3. Sincèrement tu m'a beaucoup touché Céline. Et j'aime vraiment le cheminement de ta réflexion. En tout cas c'est certain se voyage restera à tout jamais gravé en ta mémoire et tu verra les choses autrement à ton retour...

    Pleins de bisous ma Céline

    P.S : tu rentres quand ?

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Céline , au moment où je commençais à me dire que tu n'écrivais pas souvent, je trouve ce texte ... Cet après midi encore un homme est venu mendier dans la file du feu rouge à côté de ma voiture, cet après midi encore j'ai fait non de la tête et puis j'ai arrêté de le regarder parce qu'il insistait ... C'était à St Chamond... Je t'embrasse, Christine

    RépondreSupprimer
  5. Coucou copine,
    Ton texte est touchant. Tu as l'air de vivre des choses difficiles, mais te connaissant tu vas les surmonter. Sois forte mais je te connais ne te laisse pas sumerger parles evenements. Tu te souviens quand on disait qu'on était "des méres Théresa"?
    Prend soin de toi
    Je pense fort à toi
    je tadore
    Laura

    RépondreSupprimer
  6. Je risque d'être maladroite, c'est un sujet très profond et qui me parle beaucoup. Personnellement je n'arrive pas à m'habituer à toutes ces mains tendues et ces regards suppliants. Et je ne vois pas quel est le comportement le moins pire à adopter...
    Donner une pièce jusqu'à se raisonner et comprendre qu'on peut pas donner à chacun et que c'est pas ce qui va changer les choses.
    Donner une excuse de merde genre "j'ai pas de monnaie désolée !" ? Quelle lâche hypocrisie...
    Ignorer ces regards insistants pour ne pas être géné ? Je trouve qu'ils ont déjà bien assez perdu de dignité pour qu'on les considère comme des membres du décor...
    Leur accorder un sourire ou un bonjour alors ? Et se barrer sans rien donner ? "Quel hypocrite" doivent-ils penser au fond d'eux...
    Entamer une discussion pour leur expliquer le pourquoi du comment on ne peut pas leur donner une pièce ? Pas sûr qu'ils puissent entendre ce genre de discours à mon avis... et on risque de se répèter souvent...
    Ou alors pour économiser de la salive on tape un texte tout prêt, on le tire en une centaine d'exemplaires et on en garde toujours un dans son sac à main, à côté du portefeuille...
    on imprime une espèce de carte de visite du resto du coeur du coin avec l'adresse exacte et on le leur la donne à la place de la pièce réclamée ?
    on leur gueule dessus "tu fais pas d'effort pour être riche alors arrête de nous faire.....bip !"
    mais au fond qu'est ce qui nous dérange le plus ? c'est pas notre pauvre petite conscience qui, heureusement, s'en remet assez vite en général ?
    mais au fond de moi une petite voix me dit que c'est pas à nous de culpalbiliser... (et puis ça soulage la conscience de se dire ça hein ?)
    Gros bisous Céline
    P.S : si qqun a une idée de geste ni naïf, ni hautain, ni lâche, ni hypocrite à faire dans ce genre de situation... je veux bien qu'on en parle !
    Gaëlle

    RépondreSupprimer
  7. Pour Gaëlle ( dont le message est tout sauf maladroit à mon avis !) deux idée qui valent ce qu'elle valent : ma maman (70 ans) a la plupart du temps dans sa voiture des vêtements propres et en bon état, ou une paire de chaussures idem dont elle n'a plus l'usage : elle les propose aux gens qui mendient au feu rouge ... Une fois au supermarché, j'ai demandé à une femme qui mendiait ce qu'elle voulait que je lui achète, elle m'a dit de lui prendre des couches pour bébé, je les lui ai données à la sortie ... Sinon pour des actions efficaces avec des gens qui ont réfléchi à ces questions, tu peux contacter le secours populaire. Christine

    RépondreSupprimer
  8. Céline, c'est vraiment chouette d'enrichir ton blog au fur et à mesure de tes découvertes. J'avais vécu ce suivi avec un de mes neveux qui était parti remonter toute l'Afrique en vélo et il m'en reste vraiment le souvenir vivant d'un continent traversé. Là , pareil, non seulement on se gave les mirettes de couleurs, mais on apprend plein de trucs sur la culture , le sari, les bracelets, et aussi on vibre avec toi sur cette question lancinant de la misère des autres et notre impuissance à y répondre. Les commentaires de tes amis sont intéressantes à ce sujet, je fonctionne moi aussi avec des pièces en permanence dans ma boite à gants pour en donner à chaque fois qu'on me sollicite à ma portière. Mais il ne faut pas se leurrer, c'est surtout histoire d'apaiser sa mauvaise conscience. Je trouve plus juste la réflexion et l'engagement politique qui, s'il ne nous donne pas plus la satisfaction de l'efficacité, au moins nous relie à ceux dans ces pays ou chez nous qui réfléchissent comment agir sur les structures locales, nationales ou internationales. Quand je vois aussi les résultats positifs des actions comme ACAT, Réseau Education sans Frontières, les Roms, je me dis que là encore et toujours l'union fait la force.
    Marie Claire du Choeur

    RépondreSupprimer